Infection invasive à Streptocoque A

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Suivi et déclaration des infections invasives à Streptocoque A

Depuis septembre 2022, il est observé en France une augmentation des cas d’infections non invasives à Streptocoque du Groupe A comme les scarlatines mais également des infections invasives IISGA, en particulier chez les enfants.

Les résultats provisoires des investigations épidémiologiques menées par Santé Publique France (SpF) et de caractérisation des souches par le Centre National de Référence (CNR) des streptocoques suggèrent que ces cas n’ont pas de lien entre eux et que ces signalements ne sont probablement pas dû à l’émergence d’une souche plus virulente mais plutôt à une augmentation inhabituelle du nombre de cas, en lien avec des souches différentes.

Les observations de certains professionnels de santé de réanimation et des urgences pédiatriques s'inscrivent dans cette tendance, avec le signalement mi-novembre 2022 d’une recrudescence de formes graves et de décès (laryngite/pleuropneumopathies, arrêts cardio-respiratoires inexpliqués brutaux évocateurs de chocs toxiques streptococciques) consécutifs à une infection à streptocoque A chez plusieurs enfants.

Dans ce contexte, la diffusion d’un MARS n°2022-35 alertait les professionnels de santé sur cette recrudescence. En complément et suite à ce signalement, le GFRUP (Groupe Francophone de Réanimation et d’Urgences Pédiatriques) et SpFrance ont mis en place à partir de novembre 2022 une surveillance renforcée pour mieux évaluer la situation sur le plan épidémiologique et caractériser les formes sévères admises en réanimation.

Une recrudescence des cas chez les adultes est en cours d’analyse par Santé Publique France.

 

Un point sur la situation épidémiologique est régulièrement mis à jour sur le site internet SpFrance. : lien

La bactérie Streptococcus pyogenes ou Streptocoque du groupe A

Le streptocoque A est une bactérie Gram positif, à réservoir humain, principalement situé dans le rhinopharynx.

En 2020, comme en 2019, les quatre génotypes prédominants sont : emm1 (18,3%), emm89 (9,5%), emm87 (7,7%) et emm28 (5,7%) représentant 41,2% des souches invasives (n=182). En 2022, la fréquence des génotypes emm1 et emm12 augmente à partir de mai-juin 2022.

Tableau clinique et diagnostic

Formes non invasives :

  • Angine :

Diagnostic : TROD sur écouvillon pharyngé (systématique chez l’enfant ≥ 3 ans, indiqué chez l’adulte en cas de score de Mac Isaac ≥ 2)

  • Scarlatine : la scarlatine constitue la forme bénigne d'une infection à streptocoque. Elles peuvent évoluer vers des formes plus sévères et parfois réanimatoires constituant le syndrome du choc toxique ;

Diagnostic : TROD. Si TROD négatif, prélèvement de gorge pour culture bactériologique.

Formes invasives :

Leur létalité, toutes formes confondues, est de 20%. Les manifestations les plus fréquentes sont les suivantes :

  • Infection de la peau et des tissus mous (atteintes les plus fréquentes chez les adultes) : dermohypodermite éventuellement nécrosante, myosite
  • Infections respiratoires basses (atteintes plus fréquentes chez les enfants) : pneumonie et pleurésie
  • Syndrome de choc toxique streptococcique : peut survenir pour toute infection à streptocoque A, mais est plus fréquent en cas d’infection invasive. Il s’agit, par définition, de l’association d’une hypotension et d’au moins deux manifestations parmi les suivantes : insuffisance rénale, coagulopathie voire CIVD, hépatite (cytolyse ou hyperbilirubinémie > 2 N), SDRA, exanthème généralisé évoluant classiquement vers la desquamation, atteinte nécrosante des parties molles. Les diarrhées et vomissements sont également fréquemment rapportés.
  • Diagnostic : isolement de Streptococcus pyogenes dans un prélèvement habituellement stérile (liquide articulaire, …).

Traitement et prévention

  • Les ß-lactamines (amoxicilline) constituent le traitement de référence des infections à SGA.
  • L’augmentation de la résistance aux macrolides-lincosamides-streptogramines (MLS) a atteint 35% en 2004. Depuis cette tendance s’est inversée avec une évolution encore plus marquée dans les cas pédiatriques (3,7% %) que chez les adultes (7,1%).

  • Cas certain :

Isolement bactériologique de S. pyogenes à partir d’un liquide ou d’un site normalement stérile, à l’exception d'une phlyctène d'érysipèle simple, sans nécrose.

Cette situation s’associe parfois à un état de choc avec défaillance multiviscérale et constitue le syndrome de choc toxique streptococcique (SCTS).

  • Cas probable :
    • Isolement bactériologique de S. pyogenes, à partir d’un site habituellement non stérile (par exemple : peau, voies respiratoires hautes, vagin) associé à une nécrose extensive des tissus mous.
    • Isolement bactériologique de S. pyogenes d’un site ou d’un échantillon biologique habituellement non stérile (par exemple : peau, voies respiratoires hautes, vagin) associé à un syndrome de choc évocateur de SCTS et sans autre cause retrouvée.
    • Cas survenant dans l’entourage d’un cas certain ou probable d’infection invasive à S. pyogenes présentant des signes évocateurs d’une infection invasive ou d’un syndrome de choc streptococcique sans autre cause retrouvée même en l’absence d’isolement d’une bactérie.
  • Cas possible :

Signes cliniques en faveur d’une infection invasive à SGA sévère (choc évocateur de SCTS, dermo-hypodermite nécrosante (DHN)) sans isolement bactériologique et sans autre cause retrouvée.

  • Si besoin, demander un avis auprès de l’astreinte d’infectiologie pour le traitement du cas et la prophylaxie nécessaire pour les contacts identifiés
  • Signalement sans délai à Santé Publique France de tout cas d’infection invasive à streptocoque A pédiatrique hospitalisé en unité de soins critiques (réanimation / Soins intensifs) selon le Protocole et questionnaire d’investigation GFRUP / SpFrance, selon la procédure Bluefiles.
  • Signalement sans délai à l’ARS des cas d'infection invasive à streptocoque A en cas de personnes contacts à risque en collectivité, ou de situation de cas groupés, à l’aide du questionnaire GFRUP / Spfrance à l’ARS :

Plateforme régionale de Veille et Sécurité Sanitaires 
Ars44-alerte@ars.sante.fr
0 800 277 303
Fax : 02 34 00 02 89

Suite à votre signalement, un agent de la Cellule de Veille et d’Alerte (CVA) de l’ARS vous contactera pour :

  • Lever l’anonymat et déterminer les modes d’investigation autour du cas (directement auprès du patient ou auprès de sa personne de confiance)
  • Recueillir l’histoire de la maladie et les éléments nécessaires à la bonne compréhension de la situation
  • Recueillir si une antibioprophylaxie a déjà été mise en place pour les contacts à risque dans le milieu familial

Un contact-tracing extra-familial et professionnel sera ensuite mené par la CVA.

Définition d’une personne-contact :

Personne exposée au patient index dans les 7 jours avant le début des symptômes et jusqu’à 24 heures après le début de l’antibioprophylaxie.

  • Membres du domicile
  • Hors de la famille :
    • Personnes ayant eu un contact physique intime avec le cas,
    • Personnes ayant eu des contacts muqueux directs,
    • Personnes exposées aux sécrétions nasales ou orales du cas (manœuvre réanimation respiratoire),
    • Contact direct non protégé avec une lésion cutanée ouverte chez le cas.
  • En collectivité :
    • Relations proches de celles rencontrées dans le milieu familial impliquant des contacts prolongés ou répétés: par ex. chambre commune, toilette commune etc. (Institution pour personnes âgées, crèche, internat, partenaires d’un sport au contact physique étroit)

 

Définition d’une personne-contact à risque :

Il s’agit des sujets contacts avec au moins un facteur de risque de développer une infection invasive :

  • Age supérieur à 65 ans
  • Varicelle évolutive
  • Lésions cutanées étendues
  • Toxicomanie IV
  • Pathologie évolutive
  • Prise importante de corticoïdes per os
  • Les nouveau-nés de mères ayant une infection invasive

Gestion des cas contacts

  • Dès qu’un cas d’infection invasive grave à streptocoque A est confirmé, le clinicien en charge du patient doit établir la liste des cas contacts familiaux, établir leur niveau de risque (cf définitions), proposer un diagnostic (TROD) et un traitement précoce des personnes symptomatiques.
  • Indications de l’antibioprophylaxie parmi les contacts non symptomatiques :
    • Personne-contact à risque : antibioprophylaxie recommandée systématiquement
    • Personne-contact non à risque : antibioprophylaxie recommandée chez les sujets vivant sous le même toit que le cas confirmé (recommandations régionales)
    • Pour les personne-contact non à risque et ne vivant pas sous le même toit, il est recommandé de surveiller l’apparition de tout signe clinique afin de permettre un diagnostic et un traitement précoce.
    • Le traitement prophylactique des contacts étroits doit être administré le plus tôt possible, de préférence dans les 24 heures suivant l'identification du cas, mais est toujours recommandé jusqu'à 7 jours après le dernier contact avec le cas
  • Modalités de l’antibioprophylaxie : cefpodoxime-proxetil à la posologie de 200 mg/j en deux prises chez l’adulte et 8 mg/kg/j en deux prises chez l’enfant, pendant 8 jours