
Consciente des obstacles encore trop nombreux auxquels sont confrontées ces personnes dans leur parcours de soins, l’ARS a lancé en septembre 2024 une mission d’expertise régionale confiée au Pr Mickaël Dinomais, professeur au CHU d’Angers et responsable du dispositif Handisanté 49. Après plusieurs mois d’analyse de terrain et d’échanges avec l’ensemble des parties prenantes, le Pr Dinomais remet aujourd’hui ses recommandations. L’ARS annonce, dans la continuité de ce travail, la mise en œuvre dès l’été 2025 d’une première série de mesures concrètes visant à structurer une offre de soins plus lisible, plus coordonnée et plus inclusive pour les personnes en situation de handicap.
En Pays de la Loire, 59 % des personnes en situation de handicap interrogées par le baromètre Handifaction 2023 déclarent ne pas avoir pu accéder aux soins dont elles avaient besoin. Parmi elles, 16% ont subi un refus de soin, aussi bien à l'hôpital qu'en médecine de ville. Ces données révèlent la nécessité d'agir de manière résolue et coordonnée.
Une mission inscrite dans les priorités régionales de santé
L’ARS Pays de la Loire a inscrit dans son Projet Régional de Santé (PRS) 2023-2028 l'amélioration de l'accès aux soins des personnes en situation de handicap. Cet engagement s'est traduit, en septembre 2024, par le lancement d'une mission d’expertise régionale confiée au Pr Mickaël Dinmais, professeur au CHU d'Angers et responsable du dispositif Handisanté 49.
Pendant plusieurs mois, cette mission a associé acteurs sanitaires, médico-sociaux, usagers, associations et tutelles qui agissent en faveur de la santé des personnes en situation de handicap afin d'identifier les freins à l'accès aux soins et de proposer des solutions concrètes à déployer à l'échelle régionale et nationale.
La mission vise à :
- Capitaliser sur l’organisation mise en œuvre au CHU d’Angers et Handisanté 49 en identifiant les freins et les leviers d’actions de la mise en œuvre d’un tel projet afin de pouvoir démultiplier ces organisations en Pays de la Loire ;
- Identifier les initiatives et les organisations innovantes localisées permettant d’améliorer l’accès aux soins dans les territoires ;
- Proposer des expérimentations de nature à faciliter l’accès aux soins appelant à un financement et/ou des évolutions réglementaires nécessaires pour une société plus inclusive ;
- Envisager les actions de communication et de formation nécessaires à l’amélioration de l’accès aux soins des personnes en situation de handicap.
[1] Handisanté 49 oriente les patients vers des parcours de soins de droit commun adaptés, en mobilisant les établissements les plus à même de proposer les ajustements nécessaires. Une organisation en filière permet de mieux articuler médecine de ville, hôpital et médico-social. Des Agoras régulières avec les associations, familles et aidants enrichissent et ajustent cette organisation.
Un rapport structuré autour de quatre axes d'action
Issu d’une démarche participative ayant mobilisé 116 participants et 20 structures à travers 5 Agoras, le rapport du Pr Dinomais formule quatre grandes recommandations générales :
- Adopter une vision « holistique » de l’accès aux soins, de la prévention au soin, en confiant l’entièreté de la responsabilité de l’efficience de l’accès aux soins à un seul et même dispositif, sur un territoire de santé, coordonnant ainsi les autres acteurs ;
- Organiser des actions de formation, de sensibilisation et de mise en visibilité des difficultés d’accès aux soins pour les personnes en situation de handicap, à destination des professionnels et de l’ensemble de la société ;
- Favoriser une approche de santé publique fondée sur la reconnaissance de l’expertise des personnes en situation de handicap, pour optimiser l’impact des contacts quotidiens entre professionnel et personne concernée, et ainsi favoriser l’accès aux soins par un mécanisme de formation réciproque ;
- Encourager l’interconnaissance entre les professionnels socio-éducatifs, les professionnels de santé, les établissements médico-sociaux (ESMS), les professionnels de santé du champ sanitaire, les personnes concernées et les familles.
Seize recommandations opérationnelles, regroupées autour de quatre priorités
- Simplifier les dispositifs existants et rendre l’offre plus lisible
La mission recommande notamment :
- De désigner, dans chaque territoire, un dispositif « Handi » existant, piloté par un acteur sanitaire, pour garantir l’accès aux soins de personnes en situation de handicap. Il travaillera en lien avec les référents handicap de chaque établissement ;
- De financer durablement tous les dispositifs « Handi » grâce à une source clairement identifiée issue de l’offre sanitaire (ARS / CPAM), plutôt que par un Fonds d’intervention régional (FIR). De fait, ils disposeront à la fois de ressources en professionnels de santé libéraux/hospitaliers et d’un accès facilité aux plateaux techniques ;
- De mettre en place une procédure unique, simplifiée et harmonisée, dotée d’un numéro téléphonique et site dédiés, afin de centraliser toutes les demandes relatives aux soins et au handicap sous la gestion du dispositif « Handi » ;
- De déployer, dans chaque département, le dispositif « Handi SAS » piloté par les dispositifs « Handi », permettant aux régulations médicales, aux services d’accueil des urgences et aux maisons médicales de garde de disposer d’une « fiche patient remarquable » qui sera, à terme, intégrée au Dossier Médical Partagé (DMP).
- Harmoniser les missions, le pilotage et l’organisation des dispositifs territoriaux
Le rapport met en avant la nécessité :
- D’établir un cahier des charges harmonisé des dispositifs Handi permettant de clarifier et définir les missions sur chaque territoire avec une co-construction des moyens et méthodes avec les dispositifs et les acteurs locaux en coordination avec les autorités de tutelle ;
- De mettre en place un délégué régional pour l’accès aux soins des personnes en situation de handicap afin d’animer les dispositifs « Handi ». Cela permettra de pouvoir animer les dispositifs « Handi » dans un souci d’articulation et de coordination sur proposition d’une feuille de route triennale au Directeur Général de l’ARS, jouant ainsi un rôle dans la démocratie en santé ;
- De faire des dispositifs « Handi » l’interlocuteur central et le garant de la coordination des actions de prévention et d’accès aux soins somatiques sur leur territoire en centralisant les initiatives, en mettant à disposition les ressources et en assurant la cohérence des interventions auprès des publics concernés sans en être les exécutants directs ;
- D’instaurer un pilotage harmonisé des dispositifs « Handi », permettant de garantir le bon « fléchage » des financements. Le dispositif doit être coordonné par un professionnel de santé.
- Inciter les professionnels et les structures à s’engager par différents leviers
La mission préconise en particulier :
- De renforcer la visibilité des dispositifs de valorisation des actes de santé et de handicap en collaboration avec la CPAM et les Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS), mais aussi de suivre de près l’évolution et l’initiative de l’article 51 d’HandConsult34 dans le droit commun. Il apparaît également essentiel d’instaurer une incitation financière, sous forme de bonus, pour les professionnels de santé, les maisons de santé et les CPTS qui concluront une convention avec le dispositif « Handi » ;
- De travailler en partenariat avec les Dispositifs d’Appui à la Coordination (DAC), les maisons de santé, les Contrats Locaux de Santé (CLS), les communautés 360°, les médiateurs en santé, les accompagnants en santé et le dispositif « Handi » ;
- De développer les lieux d’habituation aux soins via les ESMS qui doivent pouvoir valoriser les actions pour leurs résidents, pour les professionnels et personnes concernées « hors de leurs murs » ;
- De rendre obligatoires les formations « soins et handicap » dans le parcours de formation continue des professionnels de santé, en les intégrant au dispositif de Développement Professionnel Continu (DPC), afin que les compétences acquises soient reconnues et valorisées.
- Agir en s’appuyant sur les compétences et les besoins identifiés localement
Parmi ses recommandations, le rapport souligne le besoin :
- D’intégrer, dans la comitologie des dispositifs « Handi » et du délégué régional pour l’accès aux soins et handicap, un comité des parties prenantes chargé d'assurer la bonne mise en œuvre de la politique d'accès aux soins ;
- D’allouer à chaque dispositif « Handi » des moyens proportionnels à la densité de personnes en situation de handicap à accompagner, à la disponibilité des professionnels de santé sur le territoire et à l'étendue des missions développées, afin de rendre plus aisée la pratique des missions d’accès aux soins ;
- De faire siéger les dispositifs « Handi » et/ou le délégué régional pour l’accès aux soins et handicap dans les instances locales (commission médicale d’établissement, commission des soins infirmiers …) et régionales (Instance Régionale de la Pertinence des Soins, etc.) afin de garantir que la dimension handicap soit systématiquement intégrée et prise en compte dans la planification des politiques de soins ;
- De solliciter en priorité le délégué régional pour l’accès aux soins et handicap et les dispositifs « Handi », face à un manque identifié ou à une demande pour des parcours spécifiques d'accès aux soins (HandiBloc, HandiGynéco,…).
Des actions concrètes déjà engagées sur le terrain
Plusieurs initiatives simples et efficaces, portées localement par les dispositifs « Handi » et les établissements médico-sociaux, illustrent la dynamique déjà à l’œuvre pour améliorer l’accès aux soins des personnes en situation de handicap.
Parmi elles : la mise en place d’un badge « accompagnant habilité » pour reconnaître officiellement le rôle des professionnels accompagnant les usagers dans les lieux de soins ; la création de réseaux de « Correspondants Handi » au sein des établissements ; le soutien à l’accessibilité des parcours de soins, ou encore le développement de supports en Facile à Lire et à Comprendre (FALC) pour mieux informer les patients.
D’autres actions sont également en cours, comme la co-réalisation des soins en appui des équipes soignantes ou l’animation d’une communauté de pratiques régionale, réunissant familles, professionnels et institutions autour des situations complexes de handicap.
Prochaines étapes : des mesures régionales dès l’été 2025
Dans le prolongement des recommandations du rapport Dinomais, l’ARS Pays de la Loire engage la mise en œuvre de premières actions concrètes, avec pour objectif une amélioration rapide et coordonnée de l’accès aux soins des personnes en situation de handicap. Cinq chantiers prioritaires sont ainsi lancés à court et moyen termes :
- Le renforcement des dispositifs « Handi » dans chaque département : d’ici fin 2025, l’ARS souhaite qu’un dispositif « Handi pivot », porté par un établissement de santé, soit identifié ou consolidé dans chacun des cinq départements de la région.
Actuellement, sept dispositifs sont financés par le Fonds d’Intervention Régional (FIR) à hauteur de 1 050 000 euros. Une concertation sera engagée avec ces structures pour envisager, en parallèle, le déploiement régional du dispositif HandiGynéco, bénéficiant d’une enveloppe dédiée de 215 400 euros. - La refonte du cahier des charges régional : un socle commun de fonctionnement des dispositifs « Handi » sera défini d’ici juin 2026. Ce cahier des charges rénové, coconstruit avec les acteurs de terrain, précisera les missions fondamentales des structures en matière d’animation territoriale, de coordination des parcours de soins, de prévention et de formation. Il visera à structurer une culture commune entre la ville, l’hôpital et le médico-social, au bénéfice des usagers.
- Le déploiement de la fiche patient remarquable dans les parcours non programmés : déjà expérimentée avec succès dans le cadre du dispositif HandiSAS 49, cette fiche d’identité dématérialisée, transmise aux centres 15, sera généralisée et permettra aux régulateurs d’accéder aux informations clés sur les capacités, spécificités et besoins de la personne en situation de handicap. À terme, une extension de cet outil aux maisons médicales de garde (MMG) via le Dossier Médical Partagé (DMP) est envisagée.
- Le soutien à l’engagement des professionnels libéraux : l’ARS encouragera, à partir de cet été, la pratique des consultations blanches (séances de familiarisation sans acte médical) et des consultations complexes pour les personnes en situation de handicap.
Ces leviers réglementaires, encore insuffisamment connus, seront promus en lien étroit avec les Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS) et les Caisses Primaires d’Assurance Maladie (CPAM). - Le développement du badge « accompagnant habilité » : dans les prochaines semaines, l’ARS en généralisera, à l’échelle régionale, la distribution. Ce dispositif a pour objectif d’identifier et de formaliser, par une existence réglementaire, le rôle des professionnels des structures médico-sociales qui accompagnent leurs résidents dans les différents lieux de soins.
Un pilotage régional structuré et durable
Pour coordonner l’ensemble de ce plan d’action, l’ARS des Pays de la Loire nomme le Pr Mickaël Dinomais en tant que délégué régional Handicap & Santé. Il aura pour mission de proposer à l’Agence une feuille de route opérationnelle sur les 24 mois à venir, ancrée dans les réalités territoriales, avec des actions concrètes destinées à changer durablement la vie des personnes concernées.
Le Pr Dinomais assurera l’animation et la mise en œuvre des six premières actions, en s’appuyant sur un observatoire de données destiné à enrichir les indicateurs et à objectiver les progrès réalisés. Cet outil de suivi partagé, évolutif, contribuera à valoriser les dynamiques engagées, ajuster les priorités et garantir la continuité des efforts.
Il poursuivra par ailleurs la coordination des dispositifs « Handi » et animera de nouvelles agoras territoriales, à l’image de celles qui ont nourri la mission par la richesse des témoignages, des idées de terrain et des propositions portées par les professionnels comme les personnes concernées.

Mayennais d’origine, formé à Angers, Mickaël Dinomais est professeur (PU-PH) de médecine en Médecine Physique et Réadaptation (MPR) pédiatrique à la Faculté de Santé (Université d’Angers) – CHU d’Angers, depuis 2017. Il a développé plusieurs formations à destination des étudiants en santé, dont un dispositif « vis ma vie » permettant l’échange et le partage entre étudiants et personnes en situation de handicap. Praticien au CHU d’Angers, il prend soin notamment des enfants présentant un handicap neurologique (acquis ou congénital) et des enfants présentant des limitations d’activités en lien avec des douleurs chroniques. Il est aussi spécialisé dans la prise en charge de la spasticité et de la rééducation des déficits et limitation d’activité de l’enfant après lésions cérébrales et dans la prise en charge de l’enfant avec paralysie cérébrale.
©Catherine Jouannet - CHU Angers