En Loire-Atlantique, le constat d’une offre dégradée en pédopsychiatrie sur un territoire historiquement sous doté
La situation est particulièrement tendue dans le champ de la pédopsychiatrie, partout en France, avec une aggravation des problématiques de santé mentale chez les jeunes, suite à la crise sanitaire liée à l’épidémie du Covid-19, et un besoin croissant d’hospitalisation.
En Loire-Atlantique, cette situation se matérialise par un accroissement marqué des passages aux urgences pédopsychiatrique du CHU de Nantes.
Par ailleurs, le département est historiquement sous doté en offre d’hospitalisation complète : on compte ainsi 14 lits de pédopsychiatrie pour le département, soit 4,3 lits pour 100 000 habitants mineurs en 2024. Ce ratio est 2 fois inférieur à la moyenne de la région Pays de la Loire (9 lits pour 100 000) et 4 fois inférieur à la moyenne nationale (16 lits pour 100 000 habitants).
L’offre de soins en pédopsychiatrie s’est construite en s’appuyant sur la coopération des acteurs du territoire. Elle comporte ainsi :
- Une unité d’hospitalisation temps plein de 14 lits, à vocation départementale, portée par le Centre hospitalier Daumezon (unité SHIP – Service d’hospitalisation intersectoriel de pédopsychiatrie)
- Des urgences pédopsychiatriques portées par le CHU de Nantes, dont la permanence des soins 24h/24 est assurée grâce à la participation des praticiens des 3 établissements (CHU de Nantes, CH Daumezon, Epsylan), qui y accueillent les patients de leurs 3 territoires.
Alors que ces éléments suffisent à eux seuls à créer une tension sur l’offre de soins, le territoire est confronté à son tour à des départs de médecins dans un contexte national de pénurie dans cette spécialité.
Il est à souligner que les difficultés rencontrées aujourd’hui ne sont pas budgétaires puisque les pouvoirs publics ont significativement accru les financements de la psychiatrie au cours des dernières années (+30% entre 2019 et 2023 en Loire-Atlantique par exemple), mais imputables à une raréfaction des ressources humaines : psychiatrie et pédopsychiatrie sont confrontées à une baisse d’attractivité, ainsi qu’à une fuite des professionnels vers le secteur privé.
Malgré les démarches très actives menées par les établissements pour attirer et recruter des pédopsychiatres, les vacances de postes sont en augmentation dans tous les établissements du département (soit 12 postes vacants de pédopsychiatres à l’été 2024 sur le CHU de Nantes, le CH Daumezon et Epsylan). En 2023, le service d’hospitalisation pour adolescent (SHADO) du CH de Saint-Nazaire a dû fermer, l’établissement étant confronté à l’impossibilité de recruter l’effectif médical nécessaire à son bon fonctionnement. Bien entendu, la réouverture de ce service, dès que cela sera possible, est une priorité pour l’ARS et ses partenaires.
Alors que l’implication des professionnels de la pédopsychiatrie et de pédiatrie est exemplaire, leurs conditions d’exercice s’en trouvent impactées elles-aussi.
« Je tiens à saluer l’engagement exemplaire de tous les professionnels de la pédopsychiatrie et de pédiatrie des établissements du GHT ; malgré un contexte difficile, ils ont su modifier leurs organisations pour assurer leur exigeante mission au service des jeunes patients du département ».
Philippe El Saïr, directeur général du CHU de Nantes
Face à de fortes tensions sur les ressources humaines, les acteurs du territoire se mobilisent pour maintenir l’offre de soins en pédopsychiatrie
Afin de répondre aux besoins à court terme, il existe une vraie solidarité entre les établissements en charge de la pédopsychiatrie au niveau départemental et régional qui mènent un travail continu d’échanges, de coordination et de recherche de solutions.
« Face à cette situation difficile, la communauté des pédopsychiatres et la gouvernance des différents établissements concernés, réunis autour d’un diagnostic partagé, se sont mobilisés, avec le soutien de l’Agence Régionale de Santé (ARS) Pays de la Loire, pour trouver des solutions permettant de maintenir l’offre de soins. Ainsi différentes décisions
ont été actées et sont mises en oeuvre, qui garantissent le fonctionnement de l’offre de pédopsychiatrie sur le territoire, tant sur les hospitalisations que sur les urgences pédopsychiatriques ou encore au sein de la pédiatrie générale. »
Jérôme Connault, président de la commission médicale du GHT 44
Concrètement, les décisions à court terme suivantes ont déjà été actées et mises en oeuvre :
- Au sein de l’unité SHIP (lits d’hospitalisation), les pédopsychiatres du CH Daumezon ont recentré leur activité sur l’appui à l’hospitalisation et la participation aux urgences, permettant ainsi un fonctionnement sécurisé des 14 lits de l’unité, jusqu’à la fin de l’année.
- Concernant l’organisation des urgences pédopsychiatriques, qui accueillent au CHU de Nantes les enfants jusqu’à 15 ans, la médicalisation continuera d’être assurée 24h/24. Le planning est assuré de manière solidaire par les praticiens du CHU de Nantes, d’Epsylan et du CH Daumezon, qui ont accepté de réaliser davantage d’activité aux urgences au vu du contexte difficile.
- S’agissant, enfin, de la prise en charge des enfants hospitalisés dans le service de pédiatrie générale du CHU (suicidologie principalement), elle continue à être assurée, mais selon des modalités différentes. Tous les pédopsychiatres du CHU de Nantes, d’Epsylan et du CH Daumezon se sont engagés, en plus de leur activité habituelle de consultation, à répondre aux sollicitations de la pédiatrie pour les patients dépendant de leur secteur géographique (selon la situation, soit en donnant un avis téléphonique, soit en proposant une consultation en centre médico-psychologique sur des créneaux d’urgence dédiés, soit en venant rencontrer le patient en pédiatrie).
« Même si nous sommes actuellement dans une situation difficile, l’engagement de tous, médecins, soignants, psychologues est mis au profit de la santé mentale des enfants et adolescents de notre territoire. Le maintien des lits d’hospitalisation du SHIP est essentiel, mais nous restons également attentifs au maintien des soins au plus long cours sur nos centres médico-psychologiques et hôpitaux de jour, qui le sont tout autant. Face au manque de médecins pédopsychiatres, il est nécessaire que la santé mentale de nos enfants devienne la préoccupation de tous, au-delà du monde médical. »
Dr Soizick Le Garec, pédopsychiatre au CH Daumezon
« La priorisation des jeunes patients nécessitant une prise en charge est le quotidien des équipes de secteur de pédopsychiatrie qui engagent leur responsabilité. Toutefois les équipes sont engagées sur le terrain pour répondre aux besoins des enfants et adolescents ainsi que de leurs familles et se sont organisées pour renforcer la prise en charge des jeunes en situation de crise en centre médico-psychologique ou en hôpital de jour. »
Dr Victoire Beguet, pédopsychiatre et présidente de la commission médicale d’Epsylan
Des projets validés pour renforcer l’offre de soins à long terme, qui vont se concrétiser dès l’année prochaine
Grâce au soutien de l’ARS Pays de la Loire qui les finance, trois nouvelles unités d’hospitalisation pour mineurs vont pouvoir ouvrir, permettant ainsi de renforcer l’offre de soins du territoire.
- Dès 2025, l’unité Philaë, unité d’hospitalisation de 8 lits pour les 15-18 ans, à vocation départementale, sera créée et portée par le CHU de Nantes sur le site de l’hôpital Saint-Jacques.
- Les travaux sont en cours et les médecins sont recrutés. Ils débuteront leur activité en soutien de la pédiatrie à leur arrivée prévue à la fin de l’année.
- A horizon 2026, deux nouvelles unités d’hospitalisation, représentant au total de 16 lits complémentaires, ouvriront au CH Daumezon, en plus de l’unité SHIP. La construction des locaux est engagée et les recrutements médicaux sont en cours.
« Bien consciente des difficultés que connaît le secteur de la pédopsychiatrie en Loire-Atlantique, en raison de besoins croissants et d’une tension sur la démographie médicale, l’ARS Pays de la Loire est pleinement mobilisée sur cette problématique et active tous les leviers possibles pour améliorer l’accès aux soins. Un plan d’urgence régional, financé à hauteur de 9,7 M€ depuis 2023, a été lancé afin de favoriser, notamment, l’attractivité des professions en psychiatrie et les recrutements. Par ailleurs, nous soutenons une démarche d’audit départemental, mené sous l’égide du Groupement Hospitalier de Territoire, sur l’évolution de l’offre en psychiatrie publique. Un état des lieux de l’offre, incluant la pédopsychiatrie, est en cours depuis juin 2024, dont la restitution est programmée pour la fin d’année. Les travaux engagés doivent permettre de formuler des propositions de réorganisation à court, moyen et long terme, répondant aux problématiques soulevées ».
Jérôme Jumel, directeur général de l’Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire
D’autres initiatives, soutenues par l’ARS Pays de la Loire, peuvent également être citées :
- L’installation d’une équipe post-urgence, orientée sur la continuité des soins des enfants et adolescents jusqu’à 16 ans, au CHU de Nantes (soutenu dans le cadre du Fonds d’Innovation Organisationnelles en Psychiatrie - FIOP 2024).
- Un travail de préfiguration, par la Maison des adolescent·es de Loire-Atlantique, d’une maison des enfants et des familles, qui complétera l’offre d’accompagnement des enfants de 6 à 11 ans.
- Le renforcement de la maison des adolescents et de ses antennes, en concertation avec la Ville de Nantes.
- La mise en oeuvre d’actions en faveur du développement des compétences psychosociales chez les enfants, par la Ville et la Métropole de Nantes.
Communiqué de presse co-porté par l'ARS Pays de la Loire, le CHU de Nantes, EPSYLAN (Établissement psychiatrique de Loire-Atlantique Nord) et le Centre hospitalier Georges Daumezon.