L’intoxication par le plomb chez l’enfant a des conséquences graves

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Également appelée saturnisme infantile, il a des conséquences graves sur le développement cognitif et psychomoteur de l’enfant. Il est donc indispensable de le repérer et de le prendre en charge le plus tôt possible.

Le saturnisme est une intoxication aiguë ou chronique des individus, par le plomb.

On parle de saturnisme infantile lorsque la plombémie (taux de plomb dans le sang) d’une personne de moins de 18 ans est supérieure ou égale à 50 µg/l. C’est une maladie à déclaration obligatoire, c’est-à-dire que tout médecin qui diagnostic cette maladie doit le déclarer à l’ARS. Selon la situation, cette déclaration pourra déclencher la réalisation d’une enquête environnementale, à savoir une recherche des sources de plomb dans l’environnement de l’enfant.

Le plomb incorporé par voie digestive, respiratoire ou sanguine (mère-fœtus) se distribue dans le sang, les tissus mous et surtout le squelette, dans lequel il s’accumule progressivement.

Les effets de l’intoxication par le plomb sur la santé sont corrélés à l’exposition et à l’importance de l’imprégnation dans l’organisme.

L'intoxication à bas bruit ne se traduit pas par des symptômes ou des signes cliniques spécifiques et passe souvent inaperçue. Toutefois, même à de faibles concentrations, l’exposition au plomb a déjà des conséquences graves parfois irréversibles sur le développement de l’enfant. Il peut s’agir de :

  • troubles digestifs vagues : anorexie, douleurs abdominales récurrentes, constipation, vomissements,
  • troubles du comportement (apathie ou irritabilité), troubles de l'attention et du sommeil, mauvais développement psychomoteur,
  • pâleur en rapport avec une anémie.

Chez l’enfant, si l’intoxication se poursuit, des troubles plus graves apparaissent : des troubles du langage, de la motricité, du comportement comme l’hyperactivité, de l’attention avec des difficultés d’apprentissage, une baisse des performances scolaires, un retard intellectuel, des problèmes de croissance et de développement.

Chez l’adolescent, le plomb augmente les risques de maladie rénale chronique et d’hypertension artérielle, altère la qualité du sperme et diminue la fertilité masculine.

A fortes doses, le plomb peut conduire à des encéphalopathies, des neuropathies et au décès chez l’adulte et chez l’enfant.

Chez la femme enceinte, les expositions à une source de plomb, pendant leur enfance ou leur grossesse peuvent être à l’origine d’une contamination de l’enfant à naître avec un risque d’altération du développement fœtal et du déroulement de la grossesse (risque d’avortement ou d’accouchement prématuré).

Les enfants en bas âge sont une cible particulière de l’intoxication parce qu’ils ingèrent plus souvent du plomb du fait de leur comportement main-bouche, que leur coefficient d’absorption digestive est élevé et que leur système nerveux est en développement.

Sources

Il existe de nombreuses sources d’exposition au plomb liées à nos modes de vie, notre lieu de vie (logement ou parties communes de son logement), nos loisirs (tir sportif par exemple) ou nos activités professionnelles (y compris les stages ou formations).

On peut le retrouver dans :

  • les poussières et écailles de peinture des bâtiments principalement construits avant 1949 (sur les surfaces murales, les plafonds, les éléments de menuiserie mais ont aussi été utilisées pour les revêtements des volets et garde-corps). Il convient de rester vigilant pour les habitations dont les peintures ont été réalisées par des particuliers jusqu'en 1995, date d'interdiction totale de la vente de peinture au plomb pour les particuliers (l'interdiction d'utilisation professionnelle est entrée en vigueur en 1949),
  • les poussières à proximité d’un site industriel rejetant ou ayant rejeté du plomb dans les sols et dans l’air,
  • l’eau du robinet contaminée par des anciennes canalisations,
  • l’alimentation, via la contamination des sols et de l’air par le plomb,
  • les vaisselles artisanales, les cosmétiques traditionnels (notamment le khôl) ou les remèdes traditionnels (tisanes,  onguents, soins pour plaies, pilules/gélules,  médecine ayurvédique, etc....) contenant du plomb,
  • les activités professionnelles ou de loisirs à risque des parents ou de l’entourage près des lieux de vie (ferraillage, brûlage des métaux, récupération et stockage de matériaux, ateliers artisanaux de bijoux, de poterie, d’émaillage et fabrication de vitraux, soudures, chasse, pêche…).

À noter que la fumée de tabac contient également des substances toxiques et notamment du plomb.

Certaines sources d’exposition sont spécifiques aux enfants.

A la naissance, un enfant peut avoir un taux élevé de plomb dans le corps, hérité de la mère durant la grossesse. Il est également plus sujet à l’ingestion d’écailles de peinture et de poussières contaminées via le portage mains-bouche.

Les personnes atteintes par la maladie de Pica sont aussi plus sensibles et sujettes à des risques d’ingestion de plomb. Ce trouble du comportement alimentaire se définit par l’ingestion de produits non nutritifs et non comestibles capables de nuire au développement d’un individu.

Une arrivée récente en France peut évoquer une exposition possible dans le pays d’origine.

De manière à limiter l’exposition au plomb, il est conseillé de mettre en pratique ces conseils au quotidien

  • Se laver les mains et celles des enfants de façon régulière à l’eau et au savon, surtout avant de manger ;
  • Se couper les ongles courts ;
  • Laver ou éplucher les fruits et les légumes avant de les consommer ;
  • Diversifier votre alimentation, notamment celle des enfants en proposant des aliments riches en fer et en calcium (afin d’éviter que le plomb ne se fixe dans l'organisme) ;
  • Nettoyer le logement avec une serpillère mouillée (il est déconseillé d'utiliser le balai ou un aspirateur sans filtre spécifique pour éviter de soulever les poussières), Eviter la moquette dans les pièces où les enfants jouent ;
  • Aérer votre logement régulièrement pour lutter contre la dégradation des peintures par l’humidité (au moins 10 minutes par jour) ;
  • Ne pas utiliser de cosmétiques traditionnels (khôl, surma, kajal, tiro, ...) ou de remèdes traditionnels (tisanes, onguents, soins pour plaies, pilules/gélules, médecine ayurvédique, ...) contenant du plomb ;
  • Ne pas utiliser d’ustensiles de cuisine, de vaisselle et récipients alimentaires en céramique artisanale ou en alliage métallique contenant du plomb (Etain, Cristal ou tout autre récipient à usage décoratif) ;
  • Ne pas laisser à la portée des enfants les objets en plomb, contenant du plomb, couvert d’un émail ou d’une peinture contenant du plomb (jouets, bijoux, objets domestiques) ;
  • Laver fréquemment les jouets, et autres objets utilisés par l’enfant (tétine, doudou, …) ;
  • Ne pas fumer en intérieur, surtout en présence d’enfant.

Si le logement est antérieur à 1949 :

  • Consulter le constat de risque d’exposition au plomb (CREP) ;
  • Empêcher les enfants de gratter les murs et éléments métalliques (type balcon) du logement (et parties communes) et de porter les écailles de peinture à la bouche ;
  • Surveiller l’état des peintures anciennes et faire réaliser les travaux de réfection/suppression de l’exposition au plomb par des entreprises respectant les règles de protection de la santé des occupants et des ouvriers.

Qu’est-ce qu’un constat de risque d’exposition au plomb (CREP) (Articles L.1334-5 et suivants du Code de la Santé Publique) ?

Le constat de risque d’exposition au plomb (CREP) présente un repérage des revêtements contenant du plomb et, le cas échéant dresse un relevé sommaire des facteurs de dégradations du bâti. C’est un document essentiel pour identifier la présence de plomb dans un logement.

Il doit obligatoirement être réalisé pour les logements dont la construction est antérieure à 1949. Il est remis par le propriétaire d’un logement au futur acquéreur lors de sa mise en vente ou au futur locataire en cas de mise en location.

La responsabilité du propriétaire peut être engagée s'il ne le fournit pas lors de l’achat ou location du bien ou si de fausses informations y sont mentionnées.

Ce document permet de connaître le risque lié à la présence de revêtements dégradés contenant du plomb (risque direct) ou non dégradés (risque potentiel si les revêtements venaient à se dégrader). Le CREP porte sur les revêtements privatifs d’un logement (parties intérieures ou extérieurs affectées à l’habitation, hors canalisations). Il peut aussi porter uniquement sur les parties communes d’un immeuble collectif.

Le diagnostic plomb n'a pas de date de fin de validité s'il est négatif. S'il est positif, il est valide un an dans le cadre d'une vente et 6 ans dans le cadre d'une location.

En cas de présence de facteurs de dégradation du bâti, les diagnostiqueurs immobiliers réalisant des CREP doivent transmettre une copie à l'Agence régionale de santé.

En présence de canalisations en plomb, laisser couler l’eau du robinet avant son utilisation et ne pas utiliser l’eau chaude du robinet pour un usage alimentaire ;

En cas d’activités professionnelles ou de loisirs à risque, pratiquez ces activités à l’écart des lieux de vie, lavez les vêtements à part, rangez les protections et outils de travail dans une zone dédiée à l’écart des lieux de vie ;

A proximité d’un site industriel pollué par le plomb ou sur une zone dont vous savez que les sols sont contaminés :

  • Ne pas laisser un enfant jouer à l’extérieur sur un sol nu,
  • Si vous jardinez, diversifier la consommation avec des fruits et légumes autres qu’auto produits, riches en fer et en calcium ;

En présence de plomb sur un balcon, l’exposition au plomb se fait sur le balcon mais aussi par l’intrusion de poussières de plomb à l’intérieur du logement :

  • Retirer ses chaussures après être allé sur le balcon,
  • Recouvrir le balcon temporairement ou définitivement,
  • Nettoyer les objets stockés sur le balcon avant de les utiliser.
  • Effectuer un ménage humide des pièces donnant sur le balcon (pas d’aspirateur, sauf s’il est équipé d’un filtre haute performance) et privilégier les revêtements de sols faciles à laver dans ces pièces (éviter tapis et moquettes, vigilance sur les paniers du chat/chien)

En cas de doute sur une exposition au plomb, n’hésitez pas à demander conseil à votre médecin traitant ou de PMI. Il pourra évaluer le risque et prescrire une plombémie (dosage du plomb dans le sang) s’il le juge nécessaire.

La plombémie, réalisée dans un laboratoire de biologie médicale classique, permet de mesurer une potentielle intoxication au plomb et de suivre son évolution.

La plombémie de dépistage (consultation et acte) est prise en charge à 100 % par la sécurité sociale (arrêté du 18 janvier 2005).

De même, le suivi d’un enfant avec plombémie supérieure ou égale à 50 µg/L est pris en charge à 100% (ALD) depuis juin 2016.

Une concentration supérieure ou égale à 50 µg/L (microgrammes de plomb par litre de sang) est le signe d’une exposition significative. Pour un mineur, elle doit faire l’objet d’une déclaration de saturnisme infantile auprès de l’ARS.

Pour des concentrations de plomb sanguin comprises entre 25 et 49 µg/L, un suivi des enfants est organisé par le médecin traitant et des conseils hygiéno-diététiques sont donnés aux parents pour réduire l’exposition de leur enfant et ainsi réduire le risque d’intoxication.

Une plombémie inférieure à 25 µg/L correspond à une valeur normale chez l’enfant. Elle ne nécessite pas de mettre en place un suivi systématique.

Pour les femmes enceintes, en lien avec le médecin traitant, le repérage du risque d’exposition au plomb pendant la grossesse peut être recommandé. Il peut se faire à tout moment, en particulier lors de la 1ère consultation du suivi de grossesse ou au cours de l’entretien prénatal précoce.

Tout cas d’intoxication au plomb d’un mineur (cas de saturnisme infantile avec une plombémie supérieure ou égale à 50 µg/l) doit faire l'objet d'une déclaration obligatoire à l’ARS par le médecin prescripteur de la plombémie de dépistage. Cette déclaration pourra donner lieu à la réalisation d’une enquête environnementale par les services de l’ARS. Certains services communaux d’hygiène et de santé (SCHS) ont également la possibilité de réaliser ces enquêtes selon leurs compétences.

L’enquête environnementale au domicile et dans les lieux de vie régulièrement fréquentés par le mineur vise à déterminer la ou les sources de l’exposition au plomb, afin dans un premier temps de réduire l’exposition et dans le cas échéant, de procéder à l’éviction de la ou les sources.

Des messages de prévention et conseils hygiéno-diététiques pourront être prodigués à la famille en fonction des risques identifiés.

Une plombémie de contrôle sera réalisée à 3 mois, puis tous les 3 à 6 mois selon l’évolution de la plombémie et des risques d’exposition au plomb.

En complément, le médecin pourra réaliser un repérage des autres enfants et femmes enceintes du foyer familial (prescription d’une plombémie).

A partir d’un taux ≥ 250μg/L, un bilan devra être effectué au sein d’un service pédiatrique.

Les services de l’ARS peuvent également réaliser des enquêtes lorsqu’un risque d’exposition au plomb pour un mineur est porté à leur connaissance.

Chez la femme enceinte, le repérage du risque doit se faire au moment de l’entretien prénatal du 4ème mois. Les expositions des femmes enceintes à une source de plomb, pendant leur enfance ou leur grossesse, peuvent être à l’origine d’une contamination de l’enfant qu’elles portent.

En interrogeant votre patiente, si vous repérez au moins l’un des facteurs de risque suivants :

  • Activité professionnelle ou de loisirs à risque (actuellement ou auparavant)
  • Contact récent avec des poussières issues de travaux de rénovation d’un logement ancien notamment décapage, ponçage
  • Utilisation de remèdes, de compléments alimentaires traditionnels (ex : azarcon) ou des cosmétiques traditionnels (ex : khôl, surma…)
  • Ingestion de substances non alimentaires telles que l’argile, la terre, le plâtre, les écailles de peinture
  • Utilisation de plats en céramique d’origine artisanale pour cuisiner (ex : plat à tajine)
  • Conservation des aliments dans des récipients en étain ou en cristal
  • Consommation d’eau du robinet et présence de canalisations en plomb
  • Intoxication antérieure au plomb
  • Habitation ou fréquentation régulière de lieux proches d’un site industriel rejetant du plomb dans l’atmosphère

Vous devez alors prescrire une plombémie à votre patiente afin d’évaluer le risque, puis prévoir la réalisation de la plombémie également auprès du nouveau-né.

Chez l’enfant, le risque de saturnisme doit être évalué en particulier lors des examens des 9ème et 24ème mois (Cf. carnet de santé).

Si vous repérez au moins l’un des facteurs de risque suivants :

  • Logement ancien et dégradé ou présence de peintures écaillées ou travaux récents réalisés,
  • Comportement de pica de l’enfant,
  • Autre(s) enfant(s) intoxiqué(s) dans l’entourage,
  • Profession des parents ou loisirs à risque,
  • Consommation d’eau du robinet et présence de canalisations en plomb,
  • Pollution industrielle,
  • Arrivée récente en France (exposition potentielle dans le pays d’origine)

Vous devez alors prescrire un dépistage du saturnisme (plombémie)

Les actes de dépistage du saturnisme (consultation, prélèvement et dosage de la plombémie) sont exonérés du ticket modérateur. En l’absence d’assurance maternité, de CMU complémentaire ou d’aide médicale de l’État, la mention « Dépistage du saturnisme » doit être apposée sur la feuille de soins « papier ».

Les plombémies réalisées chez les enfants mineurs font l’objet d’un système national de surveillance (arrêté du 5 février 2004). Chaque fois qu’un médecin prescrit une plombémie chez un enfant mineur, il joint à sa prescription la fiche complétée. Celui qui réalise le prélèvement renseigne la date et le mode de prélèvement sur la fiche et la transmet au biologiste du laboratoire d’analyse de la plombémie. Celui-ci complète la fiche, la renvoie au prescripteur et en envoie également une copie au médecin du centre antipoison et de toxicovigilance.

En cas de plombémie supérieure ou égale à 50 μg/l de sang en primodépistage chez le mineur, le médecin procède à la déclaration obligatoire du saturnisme en transmettant la fiche de surveillance au médecin de la plateforme de signalement de l’Agence Régionale de Santé.